Chapitre 10

Eurêka!


Fabrice Broche


Dorénavant le théâtre des opérations se situe en France. En août 1985, chez Oric International (Eurêka a adopté l'ancien nom), Fabrice Broche (voir chapitre 1) et Denis Sebbag travaillent à un nouveau système d'exploitation de disquettes pour l'Oric : le Sedoric.

On parle beaucoup de l'implantation d'une filiale en Angleterre, mais rien n'en sortira. En septembre, Oric annonce que Dudley Langmead Enterprises sera son représentant officiel au Royaume-Uni. Dès novembre, l'accord capotera.

Un Atmos "français" fait son apparition comme prévu, assemblé dans l'usine d'Etouvy, près de Vire en Normandie, à laquelle Théoric rend visite en septembre :

"La production d'ATV Electronique est assurée par 41 employés, essentiellement féminins. Pas d'investissement lourd en matériel ; on peut, pratiquement du jour au lendemain changer de produit. Jean-Claude Talar a le sourire quand il envisage l'avenir : une importante société yougoslave vient de lui acheter la licence de fabrication pour 5 000 machines. 120 000 Oric auraient été vendus en France, et le marché potentiel s'élèverait à 50 000 machines. Cet optimisme est justifié par 2 000 Atmos vendus en 3 semaines ! Côté SAV la rapidité est de rigueur. Quand on pense aux lenteurs du SAV ASN... Nous dirons à tous ceux qui pensaient que l'Oric était mort que des gens travaillent d'arrache-pied afin que cette machine revienne à sa juste place sur le marché."
On croirait entendre Bruce Everiss !

L'Atmos nouvelle version comporte quelques améliorations qui faisaient cruellement défaut, notamment un transistor qui remédie au manque de fiabilité du chargement cassette et une puce qui amplifie le signal bus à la sortie de l'horloge. Il dispose en outre d'une Péritel auto-alimentée. Le verdict du magazine Tilt est néanmoins mitigé -

"Les innovations récentes lui redonneront peut-être un second souffle, mais il reste un outsider."
Entre-temps, Oric International a décidé de continuer le Stratos, mais sous un autre nom car ce dernier a été déposé en France par A.S.N. ! La machine est en fait totalement remodelée pour être rendue compatible avec le Minitel, présent dans plus d'un million de foyers. En novembre 85, Fabrice Broche commence à travailler sur ce qui deviendra le Telestrat (dérivé télématique du Stratos). Il vient en effet de terminer le Sedoric, lancé dans les délais à l'automne et recueillant des éloges justifiés, ce qui augure bien de la nouvelle machine. Le Microdisc est reproposé sous une forme améliorée, l'alimentation étant dotée d'ailettes de refroidissement et d'un interrupteur marche-arrêt.

Dans son éditorial d'octobre-novembre, Théoric ne peut s'empêcher d'adresser une dernière pique à A.S.N. :

"Oric fait sa rentrée. De nouveaux logiciels sont en préparation. [...] Parallèlement à cela, ASN, l'ex-importateur d'Oric, pratique la politique de l'autruche en affirmant que "Oric France est débranchée" et que la fabrication de l'Oric n'est plus ! C'est oublier les efforts d'Eurêka qui détient désormais toutes les cartes pour jouer l'avenir d'Oric. Par contre, ASN ("Oric France") dit continuer à résoudre les problèmes de ses clients. N'hésitez pas à les contacter, voire à les harceler, si l'Oric que vous avez acheté chez eux tombe en panne !"
Le dernier numéro de Micr'Oric, durant l'hiver 85, confirme le retrait d'A.S.N. de la scène Oric. Les publicités portent à présent sur le MSX Goldstar et sur des composants, même s'il faut reconnaître la présence d'un bon de commande de matériel et de logiciels pour Atmos. Pas un mot du Stratos, mais une interview de Jean Taïeb (oui, le frère des deux autres !) :

"La sociéte A.S.N. a toujours soutenu Oric. Elle l'a sauvée à 2 reprises du dépôt de bilan. Mais, la guerre sans merci que se sont livrée les fabricants anglais a provoqué une telle chute des prix que les financiers ont été amenés à douter de la pérennité de la société Oric. Oric n'a d'ailleurs pas été la seule victime ; Acorn et Prism ont également déposé leur bilan. Quant à Sinclair, il a eu de très grosses difficultés."
Et au sujet des attaques contre A.S.N. parues dans Théoric et Hebdogiciel:

"Nous agissons avec sérénité. Nous n'avons jamais attaqué qui que ce soit. Nous constatons que ces attaques visent plûtot notre compétence, notre savoir-faire et motre maîtrise du marché. Notre souci a toujours été de saitsfaire le client et c'est notre succès qui a engendré autant de commentaires. Il est amusant de constater cependant que, chaque fois que ces journaux parlent de nous, nos ventes augmentent d'une proportion considérable et nous avons alors du mal à faire face à cette subite demande."
Le dernier mot revient, comme d'habitude, à Théoric :

"A.S.N. continue à commercialiser quelques Oric. Le prix pratiqué, annoncé sur les publicités est de 890 francs. Ce qui est moins intéressant (pour le consommateur), c'est la proposition de reprise de votre "vieil" ordinateur pour l'achat d'un MSX Goldstar FC 200. Les prix proposés sont si peu réalistes que nous n'osons pas les écrire..."
Le vide du marché anglais est désormais en partie comblé par F.G.C., une entreprise fondée par Ken Smalldon en février lors de l'écroulement d'Oric, et par O.J. Software, dont les premières publicités paraissent en octobre.

L'événement majeur en novembre est la sortie officielle du Sedoric. Est-il nécessaire de souligner où nous en serions sans ce DOS qui demeure aujourd'hui encore l'un des plus performants sur micro-ordinateur familial. Pour cela au moins, les Oriciens doivent une éternelle reconnaissance à Jean-Claude Talar et Fabrice Broche.

Le Nouvel An 1986 voit l'annonce du Telestrat, même si elle se révélera aussi prématurée que celle du premier Microdisc en son temps. Toujours est-il que la machine reçoit un accueil assez favorable dans la presse française [Ndt : Hebdogiciel titre "Il est né le divin Oric"]. Elle est à juste raison décrite comme originale, dédiée à la télématique, offrant un lecteur 3" double face, 11 connecteurs d'entrée-sortie, un BASIC compilé (l'Hyper-Basic) et une cartouche Telematic. Du coup, Eurêka entonne un refrain commercial bien connu en proclamant que la machine est destinée aux professionnels, tels que les commerçants souhaitant diffuser leur catalogue et prendre des commandes par Minitel ou les cabinets désireux de gérer leurs rendez- vous par un système de messagerie. Cela n'est pas sans rappeller les déclarations de Paul Johnson en février 1983...

Enfin, en janvier, preuve supplémentaire que l'Atmos a été diffusé dans d'autres pays, une firme allemande de Düsseldorf, MSE, propose un lecteur 5¼" pour cette machine. TRAN, pour sa part, annonce une carte destinée à rendre l'Oric, équipé du lecteur Jasmin, 100% compatible avec l'IBM PC ! Voilà qui, commente Théoric non sans malice, "va donner un nouveau souffle à l'Atmos".


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