Chapitre 11

Plus ça change...


The Oric Telestrat


Arrive avril et toujours pas de Telestrat. Théoric commence à s'impatienter :

"Les exemplaires, mis en démonstration chez les revendeurs ont démontré les capacités de la cartouche télématique; seul le Basic tarde à arriver, mais il sera ainsi exempt de 'bugs'. Pourquoi un tel retard?"
La raison en est en fait un nouveau dépôt de bilan, celui de la société ATV en Normandie. Eurêka met promptement sur pied une unité de production à Livarot, dont la mise en service est prévue pour la fin mai.

Une annonce des plus intéressantes ce mois-là concerne une écran à cristaux liquides pour l'Oric ! Fabriqué par une entreprise de l'Essonne, S.O.L.E., il se branche sur le bus d'extension et affiche 24 lignes x 80 colonnes en mode TEXT et 640 x 192 points avec 8 niveaux de gris en HIRES. Le coût prévu est inférieur à 700 F. C'est aussi courant avril que sort Nibble, l'éditeur de secteurs bien connu.

Opelco est apparu sur le marché britannique en mars, avec ses premiers mailings. En avril, l'inimitable Fabrice Broche publie "L'Oric à nu", le meilleur livre jamais écrit sur le sujet, qui présente un désassemblage complet et commenté des ROM V1.0 et V1.1. En juin, W.E. Software fait savoir qu'il accepte de devenir le représentant d'Eurêka au Royaume-Uni et s'empresse de répercuter chacune des annonces faites en France :

"Nous lancerons le Telestrat dans 5 semaines au prix de 420 £ et nous envisageons de produire une cartouche Prestel."
Et puis, à la mi-juin survient un nouveau règlement judiciaire, cette fois chez Dattel, la société qui fabriquait les Jasmin pour le compte de TRAN. La société TRAN communique qu'elle fera le nécessaire pour venir en aide aux utilisateurs. Dans le même temps, elle décide de ne pas commercialiser sa carte PC, car elle coûterait plus cher qu'un PC complet ! A la place, TRAN propose... un ordinateur PC.

Il faut toutefois reconnaître que le second semestre 86 voit un regain de fortune pour Oric. Le magazine Your Oric est lancé en Angleterre courant juin. Le même mois, Théoric réduit son prix de 5 F le numéro [Ndt : faute de publicité]. Le Telestrat finit par sortir à la fin du mois de septembre (au moment même où France Télécom augmente les tarifs téléphoniques locaux.) La machine est vendue 3990 F, tandis que l'Atmos reste proposé à 990 F (j'ai personnellement vu des Atmos en vente en Andorre cet été-là !).

Oric International, qui prévoit de vendre 10 000 Telestrat la première année, entre à la Bourse en octobre et ses actions doublent rapidement de valeur. En Grande-Bretagne, W.E. Software offre des services complets (au prix fort) et diffuse quelques-uns des excellents logiciels produits en France, réussissant même à vendre un Telestrat ou deux.

En novembre 1986, Opelco lance une nouvelle gamme de lecteurs de disquettes : un modèle simple à 184 £ et un modèle double à 235 £, avec deux variantes de DOS. En France, Informatique & Nature, l'éditeur de Nibble, propose l'Atmos 2, une sorte de mini-Telestrat qui se raccorde au Minitel.

C'est en janvier 1987 qu'est créé en France le Club Oric International, qui diffuse un journal électronique trimestriel sur cassette ou disquette et dispose d'un catalogue de plus de 600 titres. Pendant ce temps, Théoric continue à prospérer. A cette époque, les tribulations de l'année précédente semblent passées à l'arrière-plan et l'on se prend à espérer...

Mais, une fois de plus, des occasions sont manquées. Le Telestrat est trop spécifique à un marché et trop cher : un produit risqué à un moment où une consolidation serait nécessaire. Si seulement le Stratos avait pu être produit dès juillet 1985 pour 2000 F... Si seulement Eurêka avait soutenu convenablement l'Atmos... Au contraire, la fabrication de l'Atmos cesse en mars 87, pour ne jamais reprendre.

En avril 1987, Oric ouvre une boutique à Paris (39 rue Victor Massé, dans le 9ème) et lance un lecteur double face pour l'Atmos, tout cela 18 mois trop tard. Cependant, un gamme croissante de cartouches et de périphériques est proposée pour le Telestrat. Ainsi les cartouches Tele-Ass, Tele-Forth et la RAM 64 Ko. La cartouche MIDI, elle, ne verra jamais le jour. Une horloge temps réel fonctionnant avec le Telestrat et l'Atmos est commercialisée. En revanche, nulle trace de la carte 80 colonnes pour le Telestrat. Comme d'habitude, c'est l'alternance des bonnes et des mauvaises nouvelles.

En juin 87, Your Oric, qui en est à son numéro 7, pose la question : "Est-ce le dernier numéro ?". En effet, la participation et le courrier des 250 lecteurs ont chuté brutalement.

[Ndt : le 2 août 1987, le serveur Minitel Telstar, tournant sur un Telestrat, entre en service à Paris.]

Il est tout à fait remarquable de voir comment l'histoire se répète. En septembre 1987 Oric International annonce un nouveau modèle devant sortir en novembre, le Telestrat II, logé dans un boîtier métallique, doté de deux lecteurs 720 Ko, d'un clavier séparé et d'un écran 80 colonnes...

Cependant, la première note d'inquiétude retentit ce même mois dans Théoric, qui doit cesser de paraître en kiosque pour continuer uniquement sur abonnement :

"L'objectif à atteindre : 4000 abonnements avant le 31 décembre 1987. [...] Si, ensemble, nous ne gagnons pas ce pari, le numéro de décembre sera le dernier."
Ironie du sort : c'est ce même mois que paraît en Angleterre le premier numéro d'O.U.M. (Oric User Monthly) publié par Robert Cook. Parallèlement, Opelco propose des Atmos neufs à 49 £.

Et puis, en décembre, c'est le second effondrement. Oric International, qui doit une somme importante au fisc, est mis en règlement judiciaire. Et le numéro 37 de Théoric est bel et bien le dernier, seuls 700 abonnements ayant été recueillis sur les 4000 nécessaires. Enfin, pour couronner le tout, c'est le dernier numéro de Your Oric qui paraît à son tour, après une interruption de 6 mois. F.G.C. annonce la liquidation de ses stocks et mettra la clé sous le paillasson en mars de l'année suivante.

Curieusement, le syndic en charge des affaires d'Oric continue la vente. Début 88, un lecteur 3½" est proposé aux derniers acheteurs, ainsi que le dernier grand classique à être officiellement commercialisé, le jeu Willy de Daniel Duffau. Cet état d'incertitude persiste jusqu'au début du mois de mai, date à laquelle la boutique de la rue Victor Massé ferme définitivement ses portes. Une société nommée I.R.I. reprend alors les stocks en vue de les liquider. En tout et pour tout, Oric aurait vendu 6 000 Telestrat [Ndt : chiffre "officiel" ; la réalité serait plus proche de 2000].

La morosité générale se reflète dans O.U.M. de mai 1988 :

"O.U.M. ne veut pas s'arrêter, mais il semble que même nos lecteurs les plus fidèles laissent tomber. Je ne veux pas abandonner, au contraire O.U.M. souhaite se développer, pour atteindre petit à petit les 25 pages. Mais cet objectif risque de se révéler utopiste..."
A cet époque, O.U.M. fait 5 pages et paraît régulièrement chaque mois.


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