C'est alors la chute des dominos. ITL Kathmill, auquel Oric doit 100 000 £, est mis en liquidation le 20 février 1985. Il est intéressant de noter qu'au moment où ITL sombre, Peter Halford était en train d'achever la mise au point d'une carte coprocesseur Z80 pour l'Oric, qui aurait tourné sous CP/M 2.2. ITL avait même acquis une licence CP/M auprès de Digital Research. La balle est à présent dans le camp du syndic chargé du règlement judiciaire d'Oric. Au moins six repreneurs seraient sur les rangs : la société A.S.N. elle-même ; son ex-PDG Denis Taïeb ; la société espagnole propriétaire du Dragon, Eurohard SA ; une autre société française, S.P.I.D. ; une société indienne ; et bien entendu les incontournables : Barry Muncaster et Paul Harding qui, à en croire Hebdogiciel, se seraient entendus avec Denis Taïeb. Pendant trois mois, les négociations vont bon train avec le syndic, Dennis Cross du cabinet Chater & Myhill.
Les plans d'installation d'une usine à Longwy fondent comme neige au soleil, les constructeurs français (Thomson et Matra) ayant fait pression sur le ministre en charge du dossier (Edith Cresson...). Dennis Cross maintient un effectif minimal de 5 personnes à l'usine Oric de Feltham "juste au cas où l'un des repreneurs serait intéressé par une unité de production au Royaume-Uni". L'actif de la société se compose de ses 3 millions de livres d'invendus, essentiellement des Atmos, d'une "importante dette comptable contractée par A.S.N." et des plans du Stratos.
Le 5 février, M. Cross se rend en France pour évaluer "la meilleure offre ayant été faite". Dans le même temps, Edenspring est contraint de passer aux profits et pertes son investissement de 2,7 millions de livres dans Oric. Les comptes annuels font apparaître que l'entreprise (dont Barry Muncaster est directeur général) a effectué des versements pour un total dépassant 600 000 £ au profit de sociétés appartenant à... Barry Muncaster et John Tullis, au titre de "services de gestion et de remboursement de frais".
Durant le mois de février, Tansoft commercialise "Land of Illusion", ainsi qu'un cache plastique destiné à protéger la prise d'extension. I.J.K. sort "Don't Press The Letter Q", Orpheus lance Megabase. Gary Ramsay fonde I.O.U.G. (Independent Oric User Group), dont la revue bimestrielle du même nom commencera à paraître en avril.
Le 5 mars, Dennis Cross met Oric en vente par voie d'annonce dans le Financial Times.
Dans son éditorial d'avril 85, le rédacteur en chef de Micr'Oric fait le point de la situation pour ses lecteurs :
"Plus de 120 000 Orics en France... Oric Products International a eu une croissance très rapide. Actuellement, la presse vous en a informé, elle est sous contrôle d'un administrateur. On cherche une solution pour l'avenir. Il semble qu'une unité de fabrication en France soit envisagée, ce serait très bien pour tous les amateurs d'Oric."Le même numéro comprend un bon de commande pour le Stratos, au prix de 2995 F, avec livraison prévue pour juin.
Fin avril, Jean-Claude Talar, de S.P.I.D., cité dans Personal Computer News, déclare confiant :
"Nous voulons faire d'Oric une société française."Le coût vraisemblable du rachat, selon lui, se situe entre ½ million et un million de livres. A une réunion des créanciers d'Oric, le 1er mai, il semble qu'aucune décision finale n'ait été prise. André Fisher d'Hitachi, porte-parole des 14 principaux créanciers, apporte son aide au syndic dans l'évaluation des différentes propositions. On ne sera pas surpris d'apprendre qu'il n'est guère favorable à un retour du "triumvirat".
Le mois de mai lui-même est assez calme mais, en juin, c'est Tansoft qui dépose son bilan. Son catalogue de logiciels, ainsi que les droits de diffusion au Royaume-Uni, sont rachetés par Opel, qui distribue depuis assez longtemps les produits Oric en Europe, en dehors de la France. Opel aurait également récupéré la carte Z80 d'ITL, pour l'exporter par la suite en Europe de l'Est.
"En ce qui concerne la firme Oric en Angleterre : elle n'est plus! Les usines sont fermées. Oric France est débranchée. Il ne semble pas qu'on s'oriente comme nous l'avions pensé vers une reprise de fabrication de produits Oric. Les quelques stocks qui subsistent sont aujourd'hui bradés. Oric France conserve une petite équipe pour résoudre les problèmes de ses clients. Ceux qui se sont fournis dans les marchés parallèles ne pourront pas être servis. A.S.N. propose les produits Goldstar..."Le même numéro évoque un ambitieux projet qui vise à construire une carte vidéo destinée à l'Atmos et offrant un choix de 16 couleurs parmi 4096.
Finalement, la nouvelle tombe en juillet : le 1er juin, S.P.I.D. ("Société Prospective Internationale de Distribution", alias Eurêka) a racheté Oric pour "plusieurs centaines de milliers de livres. La production de l'Atmos va être transférée vers la fin du mois dans son usine de périphériques en Normandie et c'est en septembre qu'Eurêka prendra une décision quant à la poursuite du Stratos.
P.C.W. fournit quelques détails supplémentaires. Les bureaux de Cambridge vont être libérés (ils étaient en location). Selon Cameron McSween, le consultant qui a mené les négociations entre Eurêka et le syndic, une part substantielle de la technologie des compatibles PC étudiés par Oric se trouve entre les mains d'Eurêka, mais il est peu probable que ce dernier poursuive les travaux dans cette voie. En outre, des pourparlers ont eu lieu avec Barry Muncaster, d'Oric Products Export, en vue de l'importation au Royaume-Uni des machines fabriquées en France.
Dans une interview à Micro-Systèmes de juillet-août 85, Jean-Claude Talar rechigne à divulguer le montant de la transaction :
"Nous préférons rester discrets sur le montant... Vous pouvez acquérir un Atmos au prix de 990 F. Par ailleurs, pour réunir tous les atouts de notre côté, nous avons pris une participation significative dans la société ATV Electronique, située à Vire, en Normandie... Et ASN - Nous ne voulons faire aucun triomphalisme. Notre porte est ouverte à toute bonne volonté. Mais nous sommes au regret de constater que ASN est un mauvais perdant. Je vous fournis la copie d'un télex que je vous autorise à publier et qui explicite bien la position d' A.S.N. vis-à-vis de la société Oric."Le télex reproduit plus haut (et publié à l'époque dans Théoric) en dit long sur la responsabilité d'A.S.N. dans la chute d'Oric. Selon Théoric, la dette d'A.S.N. s'éléverait à "plusieurs millions de livres". Comme l'écrit Sylvio Faurez dans son éditorial :
FOR THE ATTENTION OF: MR. TALAR - S.P.I.D.
RE: ORIC INTERNATIONAL PRODUCTS LIMITED (IN RECEIVERSHIP)THIS IS TO CONFIRM YOUR PURCHASE OF THE SOLE RIGHTS TO ORIC AND ITS PRODUCTS.
THE AGREEMENT BETWEEN ASN AND ORIC HAS BEEN TERMINATED FOLLOWING THEIR REFUSAL TO SETTLE THEIR DEBT.
ASN HAVE NO FURTHER CONNECTION WITH ORIC AND I WILL BE TAKING ACTION AGAINST THEM TO RECOVER THE OUTSTANDING DEBT.
REGARDS
DENNIS CROSS
RECEIVER AND MANAGER
"Une page est tournée; merci à A.S.N. de nous avoir fait connaître Oric. Ici, nous ne conservons que les bons souvenirs !"Un événement qu'il convient de noter en juillet : Cumana, âme courageuse, lance son lecteur de disquettes Oric au prix de 235 £.