Il y a bel et bien du changement dans l'air. Muncaster et Johnson rachètent la majorité des parts de Tansoft, que Paul Kaufman et Cathie Burrell s'empressent de quitter pour fonder Orpheus avec Geoffrey Guy et Geoff Phillips. Paul Kaufman déclare :
"Le divorce entre Tansoft et nous s'effectue à l'amiable, sans aucune acrimonie. Orpheus s'est assuré le soutien financier de deux investisseurs privés, l'un au Royaume-Uni, l'autre en France. Nous comptons bien nous implanter sur le marché français."Tansoft est à présent dirigé par Adrian Rushmore, ex-directeur du marketing. "Nous concentrons nos efforts sur l'Atmos", affirme-t-il avec piquant.
Le 15 novembre 1984, P.C.W. révèle les derniers projets d'Oric, à savoir le lancement de trois nouveaux modèles au printemps 85 : un successeur de l'Atmos pour 250 £, le Stratos, connu sous le nom d'IQ164 en Angleterre, un compatible IBM à processeur 8086 (et interface cassette !) pour 400 £ et un portable 8086 pour 3000 £. Ces premiers "clones" seraient en fait estampillés Oric mais fabriqués aux Etats-Unis.
Dans son numéro 10, daté de décembre-janvier, Oric Owner ne se
départit pas de son optimisme habituel. La nouvelle rédactrice
en chef est Carolyn Grunewald, précédemment chargée de la
publicité. L'annonce de l'Oric IQ164 est faite aux lecteurs.
Bruce Everiss, nouveau Directeur général de Tansoft, se fend
de cette déclaration mémorable :
"Mon premier objectif est de donner à l'Atmos la place qui lui revient sur le marché."La réaction de Paul Kaufman n'est pas moins mémorable :
"Sa réputation veut tout dire. La seule chose qui m'ennuie dans le fait qu'il soit nommé directeur général est qu'il roule maintenant dans ce qui était ma Mercédès."Et puis arrive le dernier numéro d'Oric Owner, une revue utile à défaut d'être spectaculaire, et évidemment la seule publication professionnelle jamais consacrée à l'Oric en Angleterre (si l'on excepte les 5 numéros d'Oric Computing). Aucun groupe de presse britannique n'a en effet cru bon de publier un magazine dédié à l'Oric, même si ce dernier a toujours bénéficié d'une bonne couverture dans les revues "ludiques". En France, pendant ce temps, Théoric marche de mieux en mieux, passant mensuel et se vendant chaque mois à plusieurs milliers d'exemplaires dans les kiosques. La revue propose une foule d'articles très intéressants et d'excellents listings.
Bruce Everiss remet ça dans P.C.N. du 8 décembre 1984 :
"L'IQ164 offrira plus de modes écran que le BBC."What Micro de décembre annonce une baisse de prix de l'Atmos à 120 £, avec ce commentaire :
"Un micro qui aurait dû être en tête des ventes, mais à présent il est sans doute trop tard."Le titre de "jeu Oric de l'année" est décerné par P.C. Games à Classic Racing de Salamander et l'année 1984 se termine sur cette nouvelle affirmation de Paul Kaufman :
"Si Oric passe Noël, il passera le cap de 1985."
"Les résultats d'Oric cette année en Grande- Bretagne sont désastreux. La société a accumulé des dettes massives et doit rembourser 3,5 millions de livres à ses créanciers d'ici mars."L'exemple ultime de l'optimisme d'Oric reste cependant encore à venir. Dans Your Computer de janvier 85 figure une longue interview de Barry Muncaster et Bruce Everiss, abondamment illustrée. Il s'agit d'une double page qui vaudrait la peine d'être encadrée. On y lit notamment :
"Cinq nouveaux ordinateurs sont sur la ligne de départ. Il s'agit du Stratos, un modèle à 500 £ basé sur l'Atmos, d'un MSX, d'un ordinateur à processeur 68008 de type QL, d'un compatible IBM et d'un portable de haut de gamme... Bien que 1984 ait failli voir la disparition d'Oric du marché britannique de la micro, notre confiance retrouvée pour 1985 se fonde sur deux facteurs : le boom des ventes en Europe et notre maîtrise dans la conception des ULA... Nous avons vendu 350 000 machines les deux premières années. Le Stratos sera mis en vente en France à partir de février."De fait, les revues informatiques françaises de janvier ne parlent que du Stratos. Science & Vie Micro détaille les possibilités de la machine, avec toutefois une note de prudence :
"Plusieurs points demeurent cependant dans l'ombre. La date de disponibilité, d'abord. Si Oric annonce fin janvier en France, l'importateur ASN, plus prudent, compte plûtot sur mars-avril. Le lieu de fabrication, ensuite. On a parlé il y a plusieurs mois d'une éventuelle usine Oric à Longwy, mais il n'y a rien de concret pour l'instant, dit-on chez ASN. Les marchés visés, enfin. Claude Taïeb dit que le Stratos ne sera pas vendu en Angleterre ; "Oric nous a demandé combien nous pouvions en vendre", explique-t-il. "Nous avons dit 20 000 et ils ont dit d'accord, on produit le Stratos". Barry Muncaster annonce malgré tout une commercialisation en Angleterre, mais après la France."C'est à l'occasion du salon informatique de Francfort, le 1er février 1985, que l'Oric Stratos est officiellement présenté, avec ses ports cartouche, son BASIC étendu et une quantité d'autres caractéristiques intéressantes. Steve Hopps, d'Opelco, était présent. Le coup fatal ne tarde pas. Dès le lendemain, le jeudi 2 février, Edenspring met Oric en liquidation. Le passif de la société atteint alors pas moins de 5,5 millions de livres et l'actif seulement 3 millions, ce qui est bien inférieur aux conditions posées par Edenspring. Selon Bruce Everiss, Oric sentait l'ombre du syndic dans son dos depuis les 6 derniers mois :
"Les deux facteurs qui ont le plus affecté Oric ont été la division d'A.S.N., qui a fortement réduit les ventes en France (où l'Amstrad règne en maître à présent) et un accord exclusif de distribution au Royaume- Uni passé avec Prism, qui n'a pas marché."En fait, Oric a assigné Prism pour 4 millions de livres et en a obtenu 320 000 du tribunal, en conséquence de quoi Prism se retrouve à son tour en liquidation !