Chapitre3

Des promesses, toujours des promesses


Il faut attendre juin-juillet 1983 avant de voir paraître le numéro 2 d'Oric Owner, avec comme scoop le fait que Paul Kaufman a rasé sa barbe ! Et les promesses de continuer sans répit :

"Dans un futur proche, nous devrions voir des joysticks, des crayons optiques, des cartes d'E/S, des modules d'extension mémoire, et peut-être même un synthétiseur vocal."
Comme nous l'avons vu, l'Oric-1 n'avait pas reçu un accueil vraiment enthousiaste de la presse, c'est le moins que l'on puisse dire. Bogues, livraisons sporadiques, production des éditeurs indépendants paralysée parce que les programmeurs n'ont pas le moindre indice sur les routines en langage machine et leurs points d'entrée.

A ce propos, Paul Kaufman rétorque :

"Pour des raisons de copyright et de licence, Oric n'est autorisé à diffuser que des informations minimales sur le fonctionnement interne du Basic (!). En outre, le Basic comporte des erreurs mineures dont la correction peut déplacer les points d'entrée vers le haut ou vers le bas dans la mémoire."
Point d'exclamation. Cela en dit long sur les instincts commerciaux qu'Oric ait gardé jalousement les détails de la ROM ; ou peut-être se sont-ils rendu compte des faiblesses de la V1.0 ROM et ont-ils décidé de ne pas encourager la production logicielle pour une machine qu'ils s'apprêtent d'ores et déjà à remplacer ? Selon Paul Kaufman, toutefois, la raison est bien plus simple. Tangerine détenait une licence sur le Basic Microsoft et Oric n'a pas pris la peine d'obtenir sa propre licence. Cela a sans doute économisé de l'argent à la société, mais l'a forcé du coup à se montrer très discrète sur le contenu de la ROM. Ce n'est néanmoins pas la ligne officielle :

"Les problèmes qui ont retardé la production d'Oric-1 ont été résolus, ce qui signifie que les éditeurs de logiciels et les fabricants de périphériques peuvent commercialiser les produits qu'ils ont promis. Nous avons rattrapé le retard dans le traitement des commandes par correspondance. Du reste, la VPC va être peu à peu abandonnée dans les prochaines semaines pour permettre aux distributeurs de prendre une plus grande part du marché."
Kaufman passe ensuite à l'attaque :

"L'imprimante est désormais fabriquée en série et vendue 175,50 £, frais de port inclus, une petite quantité étant réservée à la VPC. Les chaînes d'Oric 16 Ko tourne également à plein régime. Nous avons pu honorer toutes les commandes de modèles 48 Ko."
Pour se confondre de nouveau en excuses :

"La production des modèles 16 Ko a été retardée de 12 semaines parce que le constructeur a modifié les spécifications de la puce juste avant la fabrication et que nous avons dû revoir complètement la carte-mère de l'ordinateur."
Voilà ce qui s'appelle souffler le chaud et le froid, et qui est typique des hauts et des bas que connaît le parcours d'Oric à ce moment-là. Et les commandes devant être livrées en 1983 totalisent maintenant "350 000 unités"...

Tansoft ne reste pas inactif pour autant : Oricmon, House of Death, Multigames 2 et Oric Munch sont annoncés. D'autres logiciels émergent lentement, la plupart cependant toujours en Basic, tels que Airline ou Dallas. Le doyen des auteurs, Ian Sinclair, est le premier à publier un livre, intitulé "L'Oric et comment en tirer le meilleur parti". Il décroche également le prix du titre le plus long pour un ouvrage jamais consacré à l'Oric ! La plus importante vague d'annonces de l'été 1983 émane de P.S.S. : Centipede, Invaders, Hopper et Oric-Mon sont disponibles ; Light Cycle et The Ultra se profilent à l'horizon. Arcadia propose Invaders et Mushroom Mania pour 5,50 £.

Le Directeur commercial, Peter Harding, sait comment présenter les choses :

"Nos ventes ont atteint 25 000 unités en février et 32 000 en mai. De nombreux éditeurs ont été sollicités pour écrire des programmes qui commencent à devenir disponibles par le canal de divers points de vente... Nos lecteurs Microdisc sont en phase de finalisation et devraient être mis en production pour commercialisation vers septembre-octobre 1983. Nous avons opté pour le format 3". Le modem tant attendu devrait aussi être disponible pour juillet."
Il y a au moins une chose de vraie dans tout ça : le format 3" des disquettes. En revanche, on se demande ce qui a été vendu en mars et en avril. Harding espère maintenant vendre 400 000 machines d'ici à février 1984 en Grande-Bretagne et dans le reste de l'Europe:

"Ce chiffre n'inclut pas les ventes considérables que nous comptons réaliser au Japon, dans le Sud-Est asiatique, en Australie, en Nouvelle-Zélande et aux Etats-Unis."
Telle est l'essence dont sont faits les rêves....

Voilà donc pour le numéro de juin-juillet. Fait significatif, peut-être, un nouveau directeur financier, Allan Castle, est nommé le 1er juillet.

Tous les Oriciens connaissent la maison d'édition de logiciels I.J.K. Dans une interview accordée à Home Computing Weekly le 2 août 1983, le PDG d'I.J.K., Ian Sinclair (aucun rapport avec le précédent) tempère quelque peu les critiques croissantes de la presse :

"Les critiques font trop grand cas des bogues de la machine et ne soulignent pas assez ses fantastiques possibilités. Nous avons acheté cinq Oric dès le début et, après avoir passé un mois à étudier les spécificités de l'ordinateur, nous avons acquis la conviction qu'il présentait de meilleures capacités graphiques, un meilleur clavier et un Basic plus standard que le ZX Spectrum, et que c'était la machine qu'il nous fallait."
Dans le même numéro, Juniper Computing vante un traitement de texte à 17,25 £, ainsi qu'un catalogue de 18 titres plus ou moins connus. Le T.U.G. (club d'utilisateurs Tangerine) recherche des recrues sur Oric-1 et le Burslem Computer Centre offre un Oric-1 et 3 jeux pour 164,95 £, port compris.

Pendant ce temps, en France, A.S.N., lance en juin 1983 sa propre revue, Micr'Oric, qui durera dix numéros. Durant l'été, le principal éditeur français, Loriciels, propose déjà des programmes de qualité, tels que "Le Manoir du Dr. Genius".

Le numéro 3 d'Oric Owner paraît à la date prévue en août-septembre 1983. L'imprimante, resplendissante dans sa livrée gris et bleu, est présentée pour la première fois au public au Earls Court Computer Fair... De son côté, I.J.K. (qui a déjà publié Candyfloss et 3D Maze) présente Xenon 1, Invaders, Fantasy Quest et Reverse, et PASE, son interface joystick. Un contrat avec Melbourne House pour la production de The Hobbit est annoncé. Et Paul Kaufman ne se laisse pas abattre :

"Les lecteurs Microdisc et le modem sont en bonne voie et pourraient être disponibles fin septembre..."
Parallèlement, des changements se préparent chez Oric. A la fin du mois de septembre, Philip Denyer rejoint la société en tant que directeur des ventes et Mike Prymaka comme directeur de la fabrication. Rosalind Zawadska, jusque-là chargée de la formation, est promu directrice de la distribution et Greg Wood, devient directeur des exportations. Que de directeurs !

Oric et Tansoft tiennent tous deux un stand au salon Personal Computer World, qui se tient à Londres le 2 octobre. Rob Kimberley note dans Oric Computing :

"Petite déception, car je m'attendais à voir leurs nouveaux lecteurs de disquettes... Je suppose qu'il nous faudra encore attendre 6 mois de plus. Aucune information n'a filtré sur une Version 2.0 du système. Remarquez, cela ne servait pas à grand-chose de demander, vu que le personnel Oric sur le stand savait à peine ce qu'est une ROM ! Seul centre d'intérêt : quelques hôtesses en costumes de majorettes !"
La véritable nouvelle, cependant, est la baisse radicale de prix qui survient à cette époque, l'Oric 16 Ko tombant à 99,95 £ et le modèle 48 Ko à £139,95, accompagné d'un bon pour une imprimante à 40 £. En réalité, les ventes n'ont pas atteint les chiffres escomptés et les stocks d'ordinateurs invendus s'entassent sur les étagères des distributeurs et du constructeur lui-même. Symptôme révélateur : les boutiques spécialisées font de la publicité pour le VIC 20, le Commodore 64, le TI994A et le Spectrum, mais pas un mot sur l'Oric.


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