En vérité, Oric connaît des difficultés. C'est à cette époque qu'Edenspring Investments (en la personne de Barry Muncaster) intervient par l'apport de 2,25 millions de livres sterling et un engagement à concurrence de 5,85 millions, à condition qu'Oric réalise un bénéfice avant impôts de 2 millions pour les deux années se terminant le 30 juin 1985. Le président d'Oric, John Tullis, se déclare confiant que cet accord assure l'avenir de la société. "Cela fournit la base de capitaux nécessaires à l'expansion d'Oric au cours des 12 prochains mois", affirme-t-il. Mais Peter Jones, directeur associé d'Edenspring, fait remarquer pour sa part que "les besoins d'Oric en argent frais sont, pour le moins, pressants".
Cela ne perturbe pas Oric Owner, dont le numéro 4, d'octobre-novembre 1983, parle d'une société nommée M.C.P., qui propose une interface joystick intégrant son propre synthétiseur vocal, et projette de produire une tablette graphique, une interface RS232 et un convertisseur analogique- numérique multivoie. Allan Castle maintient la pression :
"Nos prévisions de ventes sont de 350 000 unités pour la première année, soit une augmentation de 600% par rapport aux projections initiales. Oric exporte massivement vers la France et les autres pays d'Europe, et a récemment passé des accords au Japon et à Singapour en vue de couvrir les marchés asiatique et australien."Au Japon ? En réalité, durant le mois de juin, Oric a fondé (du moins sur le papier) une nouvelle société baptisée Oric Japan, détenue pour moitié par Oric et pour une autre moitié par un consortium comprenant l'un des fabricants de la marque en Extrême-Orient et Cosmic, une chaîne de distribution nippone. Bien que cela ait été envisagé, il est peu probable qu'Oric ait jamais commencé à écrire des logiciels en caractères japonais ! Sans doute qu'Oric Japan n'a jamais été autre chose qu'un nom. Par ailleurs, cependant, une société nommée AD Elektronik est chargée de la distribution en Norvège.
Plus concrètement, le magazine publie un banc d'essai du traitement de texte Author, de l'imprimante MCP40 et de l'utilitaire de copie d'écran Hicopy de Peach.
Octobre est le mois du triomphe. L'Oric-1 remporte le prix Vidéor du "meilleur micro-ordinateur familial" en France et y caracole en tête des ventes. D'excellents logiciels voient le jour et, indubitablement, l'Oric rencontre dans ce pays le même succès que le Spectrum en Angleterre. Le malheur est que ce ne sont pas les Français qui achètent les énormes stocks d'ordinateurs en souffrance sur le marché britannique. Depuis le lancement de la marque dans l'hexagone au mois de février, 35 000 exemplaires y ont été vendus.
Dans Home Computer Weekly du 11 octobre, on peut lire les premiers indices de ce qui va arriver :
"Oric prévoit de modifier son ordinateur afin d'ajouter des instructions au BASIC et d'en améliorer la fiabilité. Barry Muncaster s'est borné à déclarer qu'aucune décision n'a encore été prise quant à la date ou même à l'opportunité de sortir un nouveau modèle. Il a toutefois précisé que deux ou trois éditeurs en ont eu des préversions entre les mains, car le premier souci d'Oric est que les logiciels existants ne soient pas affectés. De son côté, le directeur commercial, Peter Harding, laisse entendre qu'une nouvelle machine sortira vers la fin du printemps et 'réglera son compte au C64.'"Dans le même numéro figure une longue interview de Paul Kaufman:
"Je travaillais comme programmeur chez Shell ; je venais d'acheter un Microtan de Tangerine pour mon plaisir. Un jour, dans un salon informatique, j'ai rencontré quelqu'un de Tangerine et je lui dit que je trouvais leur service après-vente catastrophique. Quelques semaines plus tard, ils m'ont téléphoné pour me proposer un poste chez eux."Suivent quelques souvenirs personnels :
"A ce moment-là, Tansoft emploie cinq programmeurs indépendants, dont deux n'ont pas plus de 17 ans. Paul Kaufman reconnaît avoir débauché Andy Green de Quicksilva et John Marshall de PSS. Cette interview est à peine publiée que le drame éclate.Le 13 octobre 1983 (non, pas un vendredi, un mercredi !), l'usine de Kenure Plastics où sont fabriqués les Oric-1, dans le Berkshire, est réduite en cendres. L'usine sera reconstruite, mais un stock considérable de composants (dont 15 000 ROM) est parti en fumée. Cependant, on annonce que la production a repris dès le lendemain dans une autre usine. Le jour même, c'est l'entrepôt voisin qui est la proie des flammes. La police soupçonnerait l'incendiaire de s'être trompé de bâtiment la première fois...
C'est à peu près à cette époque également que Tansoft rejoint Oric Research au Techno Park de Cambridge.
Au cours d'une réunion des actionnaires, le vendredi 18 novembre 1983, Edenspring approuve une augmentation de capital. Concrètement, les actionnaires d'Oric (John Tullis, Barry Muncaster, Peter Harding, Paul Johnson, British Car Auctions et IEM Singapore) échangent leurs titres de la société contre des parts d'Edenspring, qui en retour met 4 millions de livres à la disposition d'Oric pour financer son expansion.
Un communiqué de presse résume l'opération en ces termes :
"Grâce à sa reprise par Edenspring Investments et à la vente d'actions, la société Oric Products International a réuni approximativement 4 millions de capitaux pour financer son expansion et la diversification de ses produits. Dix mois après le début de ses activités, la société a livré 120 000 Oric-1 16 Ko et 48 Ko et s'achemine vers un chiffre d'affaires dépassant les 10 millions de livres pour son premier exercice, ce qui place Oric dans le peloton de tête des constructeurs micro- informatiques britanniques. Non content de poursuivre sa progression sur le marché capricieux de l'ordinateur familial, Oric va étendre sa gamme à la communication d'entreprise et à l'optoélectronique. Des systèmes sont déjà à l'étude sur notre nouveau site de Cambridge, lequel est doté des équipements de CAO et de test les plus modernes. Une vaste campagne de publicité va être organisée dans la presse et à la télévision. Oric en a confié la charge à KMP Advertising, une filiale de Saatchi & Saatchi."Les dirigeants d'Edenspring, Peter Jones et Nicholas de Savary, sont nommés à la tête d'Oric.C'est le même mois que Brian Howarth lance sa série "Mysterious Adventures", peut-être la série de logiciels la plus prolifique de l'histoire d'Oric. Parallèlement, le Tangerine User Group devient l'Oric Owners User Group et publie le premier numéro de son magazine, Oric Computing, qui contient notamment le listing d'un jeu d'aventures intitulé "Les horreurs de Coworth Park" (du nom du quartier général d'Oric). Le magazine n'ira pas au-delà de 5 numéros.
Pour sa part, le numéro 5 d'Oric Owner, de décembre-janvier 1984, ne souffle mot de la crise financière que vient de traverser la société. On y lit simplement que 14 "anges" ont été dépêchés sur le terrain pour soutenir les 1000 points de vente de la marque. Qui a jamais eu l'occasion de voir un ange Oric ?!!
En tout cas, cela donne lieu à quelques pamphlets du meilleur goût dans la presse spécialisée:
Hark the Oric angels sing
Sitting in an oval ring
We will help, not get you wild,
ROM and Oric reconciled,
V1.1 is here at last; V1.0 will feel the draught
Hear Paul Kaufman set new sights
V1.1 is still not right!
Maybe one day he ll proclaim
This damned ROM is still the same,
cursed by bugs right from the start
the Oric angels must depart,
Hark the Oric angels sing
Glory to our Paul - the King.
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